
Mathieu Party est un entrepreneur qui dirige actuellement l’agence de communication Influencia et est le président de l’association Campus digital. Issu d’un parcours en « littérature et civilisation anglaise » il terminera par une licence en communication en Martinique à l’Université des Antilles. Licence en poche Mathieu part pour Rennes où il obtient son master en Communication spécialité « Marketing web » en alternance. Ses premières expériences professionnelles il les aura entre Paris, Guadeloupe et la Martinique. Mathieu se décrit comme un amoureux de l’innovation, un citoyen dans l’action.
« Réfléchir c’est bien. Passer à l’action c’est mieux »
Question/Réponse
Qu’est-ce qu’une start-up et qu’est-ce que cela signifie pour toi ?
Une start-up peut se définir comme une jeune pousse, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une entreprise qui répond à un problème précis et dont l’unique objectif est la croissance. Elle doit croître très vite afin d’être rapidement économiquement viable.
Néanmoins, cela d’applique difficilement aux Antilles. Beaucoup de start-ups ne sont en réalité que des entreprises classiques. Mais selon moi l’intérêt se porte davantage sur les nouveaux modes d’entrepreneuriats qui en découlent. Par exemple le « testing », qui est le fait de s’autoriser à faire des erreurs afin de pouvoir rapidement pivoter d’un positionnement à l’autre afin de choisir le bon. C’est ce que l’on appelle le « Lean Start-up ». La découverte des réalités du modèle start-up a été brutal pour certain et c’est pour le mieux, les projets sont maintenant davantage réfléchis et mieux construits.
Comment passe-t-on du monde de la communication à celui de la start-up ?
Je n’ai jamais vraiment quitté la communication. Je m’implique dans ces deux univers depuis 5 ans, je fais de la communication auprès des start-up grâce à mes compétences de communicant. J’ai également intégré l’état d’esprit « lean start-up » dans mes activités entrepreneuriales de communicant.

Concrètement, cela a commencé par le BrainBar, à un moment où je m’intéressais à ce qui se faisait au niveau des start-up dans l’écosystème parisien. Je me rendais à bon nombre d’événements, néanmoins, je me rendais bien compte que même s’il s’agissait d’événements différents les participants eux, étaient tous semblables au niveau du profil. Une grande majorité de cadres, blancs habitant dans Paris. Je ne m’y reconnais pas et j’ai bien compris que je n’étais pas le seul.
C’est à ce moment-là que j’ai décidé de créer le BrainBar en puisant dans mon petit réseau de l’époque.
Il s’agit d’évènements mensuels où des entrepreneurs aguerris viennent échanger avec des porteurs de projets. Il y a des participants de tous horizons et surtout des Antillais. C’est comme ça que je suis rentré dans ce monde et que j’en suis devenu un acteur malgré moi.Organisé autour de l’idée du bar comme lieu de rencontre et où l’on mixe les idées. Le mot BrainBar prenait son sens et tout le monde en repart avec une idée ou un conseil pour enrichir son projet. Ce concept a commencé à Paris et aujourd’hui m’accompagne dans mon retour aux Antilles.

C’est au début du BrainBar que je me suis rapproché d’une petite équipe qui revenait régulièrement. Leur idée s’enrichie, j’intègre l’équipe et nous lançons Carter. Un concept d’application dédié au transport en Guadeloupe. Le lancement fait grand bruit et les premiers chiffres sont encourageants cependant l’aventure s’arrêtera deux ans plus tard. Ça aura été ma première vraie start-up, ma première grande déception et mon premier tremplin pour de belles nouvelles aventures que je vis aujourd’hui.
Peux-tu revenir plus en détail sur cette expérience ?
À l’origine c’est l’idée de Yannick Jotham, il s’agissait de pouvoir louer son temps de travail, peu importe l’activité. Puis en affinant l’idée nous nous sommes intéressés aux problèmes précis auxquelles répondrait l’entreprise et le plus récurrent était celui du transport.
Nous décidons donc de lancer en 2017 une plateforme de covoiturage et de chauffeur privé. Nous nous sommes financés par un crowfunding de 14 000 euros ainsi qu’en étant finalistes du concours PitchTonInno et nous étions accompagnés par la région Guadeloupe.
Néanmoins on s’est rendu compte des problèmes au niveau du business-modèle et de la construction technique de l’application. L’application devenait de plus en plus difficile à utiliser par nos utilisateurs et nous n’engrangions pas assez de recette pour investir dans la partie recherche et développement. Nous avons donc dû prendre difficilement mais objectivement la décision d’arrêter l’aventure.
Existe-t-il un écosystème start-up en Guadeloupe ?

Les avis sont mitigés. Mais beaucoup pense que non, mais moi je pars du principe que nous sommes tous acteurs et responsables de la création de cet écosystème. Quand Carter a été lancé, nous sommes arrivés au moment de la création du Spot coworking (un espace de travail à Jarry où des start-ups sont présentes).
Il y a également GuadeloupeTech , le RéseauEntreprendre , la BPI France, etc. Alors oui, il y a des acteurs mais pas de structure entre elle et les porteurs de projets. Et ces mêmes porteurs de projets eux, ne sont pas assez nombreux et manquent parfois de détermination.

Je repense à cette conversation avec Marc Alain Boucicault (jeune entrepreneur haïtien engagé dans l’innovation qui travaille notamment avec Google) sur la Guadeloupe et Haïti. Il me fait comprendre que nous bénéficions du système français qui est pour l’entrepreneuriat un cadeau empoisonné. Je m’explique : Nous avons toutes les infrastructures et les aides financières nécessaires. Celles-ci peuvent permettre à un porteur de projet de se lancer mais également cette sécurité ne pousse pas au dépassement de soi. C’est ce qui expliquerait l’absence de soif de réussite. Si tu n’as pas ça, tu ne peux avoir ce côté innovant et déterminé. Il manque de cette envie, cette rage de réussite aux Antilles, au-delà de nos difficultés tout est fait pour que nous ayons au moins juste de quoi consommer et répondre à nos besoins primaires. Sans parler du manque de confiance en nous.
C’est la notion de « GameChangers » ?
Cela rejoint ce que je disais plus haut. Admettons que des cartes soient distribuées, si on ne peut pas battre les cartes ou les redistribuer alors bougeons la table.
Comment ?

Par nos différentes initiatives, il s’agit de changer les règles du jeu et montrer une autre façon de voir les choses. À mon échelle il s’agit des événements que je mets en place en Guadeloupe ou en Martinique, des ateliers payants et gratuits destinés à différents types de publics sensibles (Adolescents, étudiants, entrepreneurs, salariés, retraités senior) en leur montrant d’autres façons d’utiliser le numérique. Si rien n’est fait la fracture numérique sera béante entre des populations vieillissantes et des jeunes mal informés.
Ces jeunes n’utilisent leurs téléphones que pour consommer et sans se rendre compte qu’ils pourraient être acteurs de la création de valeurs dans le digital.
Que penses-tu du projet Audacia Technopole Caraïbes en Guadeloupe ?
C’est une initiative qui aurait dû être prise il y a déjà 2 ou 3 ans, ils accusent déjà un certain retard, qui dû est par des raisons administratives. Ce n’est pas dans la taille de l’infrastructure que le succès doit se mesurer, ce dont nous avons besoin aujourd’hui c’est d’une meilleure qualité de service et d’accompagnement.

C’est un bon projet, mais je demande à voir ce que ça va donner et si les acteurs vont savoir impliquer les forces vives et représenter notre écosystème au national.
Quelle serait selon toi la réponse la plus adéquate à l’heure actuelle ?
Il s’agirait d’un accompagnement de fond. C’est dire qu’il faudrait permettre un retour des cerveaux dont nous manquons. Et j’ajouterai qu’en vérité ces cerveaux ne fuient pas définitivement il faut les attirer. La preuve, ils reviennent pour le carnaval n’est-ce pas ? [Rires]
Il faudrait mettre les moyens en place pour que les antillais de passage prennent le temps de partager leur expertise avec la population. C’est ce que nous avons fait avec Alexis Onestas, Malika jean François ou Laiza Marie. Voyager, revenir et partager c’est une belle mission.
Le mot de la fin
Mon adage préféré : »Bouge-toi le cul et le ciel t’aidera !
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