De Carthagène à Paris , la passion du français d’un colombien

Martin Klôwè -Bordeaux

Emiro, 24 ans, vient de Carthagène des Indes sur la côte caribéenne de la Colombie. Il est étudiant polyglotte en licence de langues étrangères parcours: anglais français et littérature française. Emiro se décrit comme une personne ouverte d’esprit , passionnée des langues et de littérature française réaliste.

Engagé dans le programme CIEP où il travaille dans deux écoles près de Paris, il revient sur ses années d’études en Colombie.

« Quand tu apprends une langue tu apprends aussi une culture »


Comment est le système scolaire colombien ?

Généralement on commence vers l’âge de 5-6 ans. La primaire dure 5 ans, puis nous entrons au Bachillerato (le secondaire) qui dure 6 ans. À l’issue de ces 11 années d’études, nous avons accès aux universités grâce à notre diplôme. L’entrée dans les universités publiques se fait par un examen d’admission payante. Tout le monde ne peut pas se permettre d’investir 34 euros dans un examen (le salaire moyen en Colombie étant de 230,46 euros ). Certaines personnes préfèrent payer des choses plus urgentes comme l’alimentation par exemple. Néanmoins, le prix des universités publiques dépend du revenu des parents.

Dans l’université de Carthagène, dans le cas du concours de médecine il y a généralement deux mille personnes qui postulent et que 50 places. La plupart des programmes ont un nombre de place limité, mais il existe des quotas pour les membres des communautés noires et indigènes mais il faut l’être légalement*. C’est un privilège d’aller à l’université public.

*(C’est-à-dire être catégorisé comme afro descendant-colombien , ou appartenir à un groupe indigène reconnu sur le territoire colombien par la constitution de 1991)

Peut-on postuler dans d’autres universités facilement ?

Oui, bien sûr, pourvu que tu puisses remplir toutes les cases. Une fois que l’on a été accepté, les frais d’université dépend du salaire des parents. Il y a également des aides, si tu fais partie des 3 meilleures moyennes tu as des aides (allant de 50% des frais à 100% de réduction). C’est également le cas pour les membres de groupes culturels, et les sportifs.


En outre, une fois que nous avons fini le secondaire, nous passons un examen qui s’appelle  « Pruebas SABER 11 ». Si nous y avons un bon résultat, nous pouvons obtenir la bourse du programme « Pilo PAGA ». C’est-à-dire que le gouvernement paye tout le semestre quelle que soit ta formation et te verse des subventions mensuellement. Néanmoins, il faut toujours avoir une moyenne de 3,8 par semestre sur 5 pour conserver cette bourse.

Comment est la vie universitaire en Colombie ?

En Colombie l’instruction est plutôt axée sur la pratique alors qu’en France cela reste très théorique. Il y a un examen pour lequel il faut beaucoup étudier juste pour mémoriser pour l’examen.

En Colombie, par semestre, nous avons 3 examens. Les deux premiers valent pour 30 % chacun et le dernier pour 40%. Les rapports professeurs-élèves en Colombie sont différents, nous avons une certaine proximité avec eux. En France, les professeurs viennent avec un livre, ils lisent et n’ont pas le temps, pour moi c’est choquant. En Colombie, il est attendu que tu mettes en pratique ce que l’on t’apprend.

Le campus de Carthagène est disséminé dans toute la ville. Le campus principal de San Agustín est au centre-ville et est destiné aux programmes d’histoire, de littérature, de droit et de communication. C’est le campus le plus petit de l’université, c’est un ancien monastère. C’est un campus chic parce qu’il y a beaucoup de cafés, de restaurants, c’est très touristique.

Puis, il y a le campus de science de la santé et d’infirmerie, c’est le campus le plus grand. Et enfin, le campus des sciences naturelles où se trouvent les langues étrangères. Il y a d’autres campus mais je ne pourrai pas trop en parler.

Comment est la vie sur le campus ?

À San Agustín il y a toujours des choses à faire, des expositions, des débats etc., c’est assez bohème, à l’inverse de mon campus de sciences naturelles. Des fois, il y a des célébrations comme la fête de l’ethnie, la francophonie, etc.

Comment se pose la question raciale en Colombie qui connaît notamment des distinctions entre negro, moreno, trigueño et blanco ?

C’est un gentil mot pour dire noir (Moreno), à Carthagène les gens se disent mestizos. Je pense que depuis quelque temps on essaye de dépasser les préjugés raciaux. Avant, on se disait  « Bon, comme je suis noir, je dois me mettre avec une personne blanche pour parfaire la descendance  ». Maintenant les femmes ont de plus en plus tendance à porter leurs cheveux naturels. L’université est un bon moyen de changer les mentalités des gens.

À l’université, les gens viennent avec leurs cheveux afro. Il y a beaucoup de conférences sur les discriminations et on parle de la liberté sexuelle. Les jours de la fête d’indépendance, il y a un pride qui est organisé dans le défilé même s’il y a parfois des heurts. Il y a aussi des marches pour le droit à l’avortement (autorisée partiellement) .

Y a-t-il beaucoup d’étudiants étrangers dans ton université ?

Dans mon université, il n’y en a pas énormément mais il y en a plus dans l’université privée technologique de Bolívar ( Universidad Tecnológica de Bolívar )

Comment se déroulent les cours à l’université de Cathagène ?

À l’université, durant ma dernière année d’études, nous avions à faire un stage que j’ai effectué à l’Alliance Française. Je devais donner des cours, les préparer, ainsi qu’effectuer une préparation professionnelle avec le directeur de l’Alliance Française.

Nous avons des débats et des groupes de conversations, spécialement dans le programme des langues étrangères pour pratiquer notre compréhension et expression orales et écrites. Nous avons des débats en français sur lesquels nous donnons nos avis. Nous avons cours du lundi au vendredi tous les matins et parfois l’après-midi, de 7h à 17h30.

Comment se passent tes démarches pour venir en Franc , pour finir ta formation ?

La France est un pays « bureaucratique », il y a beaucoup de paperasse à remplir. Je suis arrivé ici par le CIEP (Centre international d’étude pédagogique) qui a des accords avec un programme en Colombie auquel j’ai postulé, ce qui le rend facile d’obtenir un visa. Ils choisissent deux personnes à Carthagène et 50 dans tout le pays. On nous verse un salaire de façon mensuelle par le gouvernement français au travers du CIEP, c’est un programme national français. Mais il y a aussi des Français qui postulent pour donner des cours de français à l’étranger. Par exemple, à Carthaghène nous avons une assistante de français qui vient de la France.

Je vais travailler comme assistant d’espagnol dans un lycée en Île-de-France à 40 minutes de Paris. J’aiderai les professeurs d’espagnol et je serai un pont culturel entre la Colombie et la France. C’est un peu comme si j’étais un ambassadeur de la culture colombienne en France. Je pense étudier les langues nordiques également.

Comment s’est déroulée ton intégration en France ?

Dès mon troisième jour, je me suis fait voler mon portable dans le métro à Paris. Je ne pensais pas que ça pouvait se produire dans le métro. J’habite à Saint-Denis mais je pense déménager parce que les gens m’ont mis en garde sur la réputation de cette ville. Mais bon, ça arrive, mais c’était la première fois que je me faisais voler et c’était en France, pas en Colombie (rires).

Peux-tu décrire la façon dont tu ressens le climat sécuritaire à Carthagène ?

À Carthagène je me sens très bien parce que je connais très bien. Je connais les endroits où aller et ceux où il ne faut pas. Quand on connaît la ville on sait où aller et quand y aller.

Que conseillerais-tu à un étudiant étranger à Carthagène pour 2 semestres ?

Je dirais qu’il faut apprendre l’espagnol et être très gentil comme la plupart des Colombiens. Nous sommes très très gentils et charmants. Je ne saurais pas dire où aller en fait, je vis dans un quartier de classe moyenne un peu au nord de la ville. Mais il faut aller partout, il faut connaitre et ne pas rester que dans la partie « bling-bling » du nord parce que Carthagène ce n’est pas ça.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :